QUELQUES REPÈRES

Claude Robinson, auteur et illustrateur, nous parle du droit d'auteur et de son importance pour les créateurs.
Un projet du RAAV en collaboration avec la SARTEC, l'UNEQ, COPIBEC et ACCESS Copyright. Une production XACMEDIACONCEPT. © RAAV 2015


On entend beaucoup parler de droit d’auteur mais comment s’y retrouver ?
Voici quelques blocs d’information qui pourront vous aider à mieux comprendre de quoi il s’agit et ce
pourquoi le droit d’auteur est si important pour soutenir la création artistique.


Un artiste est un « auteur d’œuvres artistiques »
D’abord, il faut préciser que le droit d’auteur est un droit de propriété intellectuelle. Un artiste en arts visuels ou un créateur en métiers d’art ou en arts de la scène, au sens de la Loi sur le droit d’auteur, est appelé un « auteur ». On parle donc d’un « auteur d’œuvres artistiques » pour les différencier des auteurs d’œuvres musicales, dramatiques, littéraires ou autre.

Le droit d’auteur est-il un privilège ?
Le droit d’auteur n’est pas un privilège accordé à des individus particuliers ayant le statut d’artiste comme s’il s’agissait d’une sorte d’aristocratie. Les artistes sont des travailleurs et tout travail mérite rémunération. Le droit d’auteur est un droit de propriété, semblable à celui qui se rattache à un bâtiment ou à un terrain, excepté que ce droit s’applique au résultat d’un effort de création intellectuelle : une sculpture, un tableau, un costume de théâtre, un vase de verre soufflé, une pièce de théâtre, un roman, une symphonie, un film… etc. À moins de transformer complètement la société en un régime dans lequel tout appartient à tout le monde, le droit de propriété intellectuelle demeure, comme le droit à la propriété privée, un attribut normal attaché aux œuvres de l’esprit.

Un droit malaimé mais nécessaire pour la société
Qui n’a pas réagi négativement devant une interdiction d’utiliser une œuvre sur l’Internet ou ailleurs parce qu’elle est protégée par le symbole © ou une mention  « Tous droits réservés pour tous les pays » ? Souvent considérés comme des empêchements, des blocages injustes, ces avertissements servent à prévenir un utilisateur éventuel qu’il doit demander la permission avant de s’en servir. Contrairement à ce que bien des gens croient, tout n’est pas gratuit dans la vie. Produire une œuvre artistique coûte de l’argent pour le loyer et la nourriture de l’artiste qui, quoi qu’on en dise, ne vit pas de l’air du temps; pour les matériaux, les outils…
Autrement dit, si l’on veut qu’il y ait encore des créations artistiques, musicales, littéraires originales dans la société future, eh bien il faut que les créateurs puissent vivre maintenant. On peut ne pas aimer le droit d’auteur mais, tant qu’il n’y aura pas d’autre façon de rémunérer les créateurs d’œuvres artistiques ou autres, c’est encore la meilleure façon de faire.

Une source de revenu pour soutenir l’artiste et son travail de création
Propriétaire de son œuvre, l’artiste peut l’exploiter de façon à en retirer un revenu qui lui permettra de subvenir à ses besoins vitaux (nourriture, logement, santé, etc.) et à financer ses prochaines productions artistiques. Ce revenu se manifeste sous formes de redevances monétaires. Ces redevances découlent d’une permission que l’artiste a accordée à un utilisateur (musée, centre d’artistes, éditeur… etc.). Cette permission s’appelle une « licence » et l’octroi d’une licence se fait par la signature d’un contrat qui confère certains droits à l’utilisateur moyennent une compensation qui est le plus souvent monétaire mais pas toujours.

La protection du droit d’auteur s’applique à une œuvre « originale »
Pour être protégée par le droit d’auteur, une œuvre doit être originale. L’œuvre ne doit pas être la copie d’une autre œuvre. Elle doit témoigner du talent et du jugement de son auteur. Elle doit donc démontrer un effort de création indépendant, être l’expression personnelle de l’auteur.
Il est à noter que dans le cas de la gravure, de la photographie ou de la sculpture, il peut y avoir plusieurs originaux d’une seule œuvre. Dans ce cas l’artiste produit une série limitée de gravures, de photographies ou de sculptures. Chacune des copies est alors signée et numérotée par son créateur; elle est considérée comme un original de l’œuvre.

Les droits de l’auteur sur l’œuvre
Le droit d’auteur sur une œuvre comporte « le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de cette œuvre, sous une forme matérielle quelconque ou en version numérique.
Si l’œuvre n’est pas publiée, l’auteur peut en publier la totalité ou une partie importante.
Ce droit comporte, en outre, le droit exclusif de communiquer l’œuvre au public par télécommunication (internet, réseaux sociaux, télévision…).
L’œuvre peut aussi être rendue publique lors d’une exposition.
Le droit d’auteur inclut aussi la possibilité pour un artiste d’autoriser l’exécution de ces diverses utilisations par une autre personne ou un organisme.

Le droit de reproduction
La façon la plus courante d’exploiter une œuvre pour un auteur d’œuvres artistiques est de la reproduire pour la multiplier, et vendre ces multiples tout en conservant l’original. Seul le détenteur du droit d’auteur sur une œuvre peut copier ou reproduire son œuvre ou autoriser quelqu’un d’autre à le faire.
On peut reproduire une œuvre artistique de diverses façons et transposer cette reproduction sur divers matériaux. Par exemple, on peut photographier un tableau ou une illustration et la reproduire sur une affiche, un vêtement ou dans un livre qui seront par la suite mis en vente.
On peut aussi numériser une œuvre et enregistrer cette copie virtuelle dans un document JPG, TIFF ou PDF ou autre. Nous avons alors une copie numérique de l’œuvre et celle-ci peut être utilisée de multiples façons : écran d’ordinateur, site Internet, réseau social…

Le droit d’exposition
Ce droit est inscrit dans la Loi sur le droit d’auteur depuis juin 1988. Il permet à un artiste qui autorise un musée ou un centre d’exposition à exposer ses œuvres, de recevoir en contrepartie une redevance monétaire pour le temps pendant lequel l’œuvre n’est pas disponible pour la vente ou une autre forme d’utilisation.
Par contre, si l’œuvre est exposée dans une galerie privée pour être mise en vente ou en location, l’artiste ne reçoit pas de redevance.
Le RAAV et CARFAC publient chaque année une Grille des tarifs minimum de droit d’exposition.

Le droit de communication
Présenter une œuvre en public par un moyen de télécommunication, que ce soit à la télévision, dans un film ou sur un site Internet relève du droit de communication. Dans tous ces cas ce n’est pas l’œuvre originale qui est présentée mais bien une reproduction de celle-ci en version numérique ou analogique.
Par exemple, si vous voyez un vase original créé par un souffleur de verre dans un décor à la télévision ou dans un film, le producteur de l’émission ou du film a dû demander la permission à l’auteur et le rémunérer pour cette utilisation. Le même principe s’applique pour les costumes que revêtent les comédiens d’une série télé ou d’un film, ou encore le accessoires qu’ils utilisent. Le créateur original doit recevoir une compensation pour que ses œuvres soient rendues publiques par télécommunication.
Même chose si l’œuvre est reproduite dans la page d’accueil d’un musée.

Le droit de suite
Ce droit n’existe pas encore au Canada même si plus de 70 pays dans le monde l’ont déjà intégré dans leur législation sur le droit d’auteur. Le droit de suite permet à un artiste de réclamer un pourcentage du prix de revente de ses œuvres. Il s’agit donc d’un droit qui s’applique dans le cadre du marché secondaire des œuvres d’art, celui où un collectionneur ou un marchand d’art remet sur le marché une œuvre qu’il a en sa possession. Il ne s’applique pas lors d’un premier transfert de propriété entre l’artiste ou une galerie et un acquéreur.
Le RAAV et CARFAC travaillent depuis plusieurs années pour faire intégrer le droit de suite dans la Loi sur le droit d’auteur.

Les droits moraux
Les droits moraux sont rattachés à la réputation d'un auteur : ils procurent à celui-ci le droit de revendiquer la création de ses œuvres, c'est-à-dire que son nom soit associé à ses créations.
Un autre aspect des droits moraux est le respect de l'intégrité de l’œuvre. Au sens de la Loi sur le droit d'auteur, il y a violation du droit à l'intégrité de l'œuvre lorsque celle-ci est, d'une manière préjudiciable à l'honneur ou à la réputation de l'auteur, déformée, mutilée ou autrement modifiée.
Par ailleurs, on peut attenter à la réputation d’un auteur en utilisant une œuvre pour promouvoir une cause ou vendre un bien ou un service. En le faisant sans la permission de l’auteur on laisse croire au public que l’artiste appuie cette cause ou bénéficie de la vente du bien ou du service. La réputation de l’artiste est donc entachée et l’artiste peut demander un retrait de la publicité, des excuses publiques et une compensation monétaire pour la faute commise.
Au Canada les droits moraux sont inaliénables mais on peut renoncer par écrit à les exercer. Cela veut dire qu’on ne peut pas les céder à quelqu’un d’autre, sauf à son décès, et dans ce cas c’est la succession qui les reçoit. Lorsqu’on renonce à l’exercice de ces droits on laisse la possibilité à une autre personne de modifier tout ou partie de l’œuvre et de l’associer à une cause politique ou à un bien ou service commercial. La durée des droits moraux est la même que pour le droit d’auteur, soit 50 ans après la mort de l’auteur.

Gestion du droit d’auteur
Pour gérer ses droits d’auteur, le créateur peut choisir entre trois options :
a) Il peut gérer ses droits lui-même c’est-à-dire recevoir les demandes de licences et les négocier lui même. Dans ce cas il doit dépendre de ses capacités personnelles de négociateur. L’auteur conserve toutes les redevances qu’il a pu négocier.
b) L’auteur peut accepter que ses œuvres soient couvertes par une entente collective entre son association professionnelle et un diffuseur ou producteur, dans ce cas il n’a pas à négocier puisque son association s’en est chargé. L’auteur conserve toutes ses redevances mais il est invité à devenir membre de son association professionnelle.
c) Il peut les faire gérer par une autre personne (un agent) ou une société de gestion qui négociera en son nom. Les sociétés de gestion des droits d’auteur établissent leurs propres grilles tarifaires pour les redevances demandées au nom de leurs adhérents; dans ce cas l’auteur cède ses droits à la société qui prend le mandat de les administrer en son nom. La société retient une commission pour son travail de gestion qui peut aller jusqu’à 25% des redevances perçues.